Le groupement IGN FI/ GEOFIT/ LADEC vient d’achever le projet de sécurisation foncière sur les communes de Buhinyuza, Isale et Matongo au Burundi : une interview croisée des 2 chefs de projet.
En quoi ce projet a consisté ?
Le Burundi qui est partie prenante du « Défi de Bonn » – défi qui consiste à restaurer 150 millions d’hectares de terres dégradées et déboisées d’ici 2020, et 350 millions d’hectares d’ici 2030 – et de l’initiative africaine des paysages résilients, s’est engagé à restaurer un million d’hectares de terres d’ici 2030.
La Banque Mondiale appuie le Gouvernement Burundais à travers le Projet de Restauration et de Résilience du Paysage du Burundi (PRRPB).
Portée par le ministère de l’environnement, de l’agriculture et de l’élevage Burundais, la certification foncière est une sous-composante du PRRPB qui vise à clarifier, formaliser et sécuriser les droits fonciers, ainsi qu’à appuyer la résolution des conflits fonciers dans les communes et collines d’intervention du projet.
Concrètement, nos activités ont été menées dans 3 communes du Burundi (Buhinyuza, Isare et Matongo) et elles ont porté sur 3 axes principaux :
- Le renforcement de la gestion foncière décentralisée, notamment par l’appui à la création ou au renforcement du service foncier communal
- Les appuis techniques et logistiques aux opérations de certification foncière sur les 26 collines des 3 communes
- La prise en compte d’enjeux transversaux comme l’accès à la terre et à la sécurisation des droits foncier pour les femmes et les plus vulnérables.
Il faut avoir conscience qu’au Burundi, plus de 70% des affaires portées devant les tribunaux Burundais ont un lien avec le foncier.
Il s’agit donc, dans le cadre de cette composante, d’établir une vision claire, systématique et fiable des limites des propriétés privées et du domaine national, d’identifier et connaitre les propriétaires, d’identifier et tenter de résoudre les conflits en lien avec la terre.
Quels résultats concrets ?
Aurélia DECHERF – Cheffe de projet IGN FI
Les résultats du projet sont très concrets. Le groupement a procédé à des activités de certification massive et systématique de 26 collines sur 75 des communes cibles. Sur le terrain, cela représente la réalisation de plus de 105 000 enquêtes socio-foncières publiques et contradictoires (nommées reconnaissances collinaires) et la production de plus de 100 000 certificats fonciers. En outre, il faut ajouter la mise en place d’un système d’information foncier axé sur la production de la documentation foncière au bénéfice des populations et des communes.
Ces bons résultats sont le fruit d’une forte acceptation du projet, tant au niveau des responsables communaux et des acteurs techniques et des qui sont intervenus sur le terrain dans des conditions pas toujours aisées (pluies, problèmes d’accessibilité…) et qu’il nous a fallu former, qu’au niveau des populations qui ont bien compris le bien-fondé social et économique du projet. C’est le sens des actions de sensibilisation qui ont été menées tout au long du projet par le groupement.
GEOFIT a développé les outils de production. Quelles contraintes ? quelles fonctionnalités ?
Équipe Développement – GEOFIT
Les contraintes étaient multiples. L’objectif était d’obtenir un outil qui permette à la fois de gérer des procédures foncières, des formulaires, des liasses de documents, des objets géoréférencés, des photos ou encore des signatures, tout en fonctionnant sans aucune connexion. Nous avons donc développé un outil de production massive, administrable et paramétrable, pour répondre aux besoins du projet.
Ce qui vous a rendu fiers
Équipe Développement – GEOFIT
Une fois les utilisateurs formés, l’outil a permis de faire le lien entre le terrain, les bureaux locaux et les ateliers. Décisif au bon déroulement du projet, il s’est révélé stable, facile d’utilisation et efficace.
Aurélia DECHERF – Chef de projet IGN FI
Outre l’adhésion des populations engendrant la formalisation massive de droits qui renforce la paix sociale et contribue au développement, la composante sécurisation foncière a contribué à apporter des avancées importantes en matière d’accès à la terre et à la reconnaissance du droit des femmes et des populations marginalisées. En effet, alors que jusqu’alors les femmes accèdent très difficilement aux droits sur la terre et à leur inscription, nous avons été autorisés à expérimenter l’inscription des femmes et des 2 conjoints sur l’ensemble des documents officiels. Ainsi plus de 70% des parcelles portent le nom de femmes, ce qui est remarquable dans un contexte où elles n’héritent pas et accèdent très difficilement à la terre par d’autres moyens. J’ai le sentiment d’avoir, à mon tout petit niveau, contribué à améliorer la situation des bénéficiaires du projet. C’est le sens de ce projet et de ceux que nous conduisons dans le foncier d’une manière générale.
Pour aller plus loin – Écouter le reportage